Le 11 février 1567 : naissance d'Honoré d'Urfé

Honoré d'Urfé aurait dû naitre au château de la Bâtie en Forez, où résidaient ses parents Jacques 1er d'Urfé et Renée de Savoie. Cependant, sa mère en visite de ses terres de Vintimille, dut s'arrêter en hâte à Marseille chez son frère Honoré de Savoie, gouverneur de Provence, pour mettre au monde son cinquième garçon. Il fit ses études chez les Jésuites au célèbre collège de Tournon. Doué d'une vive intelligence, il y acquit très vite les premiers éléments d'une remarquable érudition, avec la connaissance des langues latine, grecque, italienne, espagnole et allemande. Il n'a pas seize ans quand on fit appel à lui pour la relation de l'entrée fastueuse de la nouvelle comtesse, Madeleine de la Rochefoucault, dans sa ville de Tournon. Ce sera son premier ouvrage. A sa sortie du collège, il revint au château de la Bâtie et c'est en parcourant les rives du Lignon, paisible rivière qui longe le château familial, qu'il va s'imprégner de l'atmosphère pastorale où son imagination fera vivre les bergers de l'Astrée : " Je te voue et te consacre, mon cher Lignon, toutes les douces pensées, tous les amoureux soupirs qui durant une saison si heureuse ont nourri mon âme de si doux entretiens, qu'à jamais le souvenir en vivra dans mon coeur ". Les doux entretiens qu'il évoque, c'étaient ceux qu'il avait avec Diane de Châteaumorand, la femme de son frère Anne, qu'il épousera en 1599. Mais avant de réaliser cette étrange union, il fera la guerre. Ardent catholique, comme on l'était depuis toujours dans sa famille, il adhéra très tôt à la Ligue, et quand elle se bat en Forez, il est, à vingt-deux ans, au premier rang des ligueurs contre le roi Henri III et ses troupes. Le duc de Nemours, grand chef de la Ligue, l'ayant nommé son lieutenant général au gouvernement du Forez, il entre en campagne, lève une petite armée et s'empare de plusieurs localités de la plaine roannaise. Arrêté et emprisonné à Feurs, il fut libéré grâce à Diane de Châteaumorand qui vers la rançon demandée, puis il fut à nouveau emprisonné quelques mois plus tard à Montbrison, la capitale du Forez, au secours de laquelle il a volé. C'est dans cette prison qu'il commença à écrire ses " Épîtres morales ". qu'on a comparées aux oeuvres de Sénèque, et qui eurent un très grand succès. En 1597, son frère aîné Anne demanda et obtint l'annulation de son mariage avec la belle Diane de Châteaumorand pour entrer en religion. Comme Honoré était chevalier de l'Ordre de Malte, pour épouser celle qu'il aimait depuis si longtemps et qui devenait libre, il dut lui-même demander et obtenir l'annulation de ses voeux monastiques. Ce qui fit dire au Pape Clément VIII : " les d'Urfé auraient bien besoin pour eux seuls, d'une chancellerie pontificale et d'un pape tout entier ". Ce mariage ne fut pas une bonne affaire pour Honoré. Il eût aimé avoir des enfants, mais Diane, son aînée de sept ans, ne put lui en donner. De plus, hautaine, acariâtre et follement orgueilleuse de sa beauté, elle vivait le plus souvent en compagnie de grands chiens qui la suivaient jusque dans son lit en répandant partout une odeur épouvantable. Pour ne pas ternir son teint, elle fuyait la société, se protégeait de l'air et du soleil par un masque qu'elle portait constamment sur la figure, et par d'épais rideaux qui obscurcissaient en permanence ses appartements. Il finit par se séparait, à l'amiable, d'une femme aussi inconséquente pour s'installer au château de Virieu-le-Grand, dans le Bugey, et c'est là qu'il poursuivit son oeuvre, et en particulier l'Astrée. Premier roman-fleuve de la littérature française ( 5 parties, 40 histoires, 60 livres, 5 399 pages ), c'est un roman pastoral qui eut un très grand succès : à la Cour, à l'hôtel de Rambouillet, chez les Précieuses, dans les châteaux, les collèges. On fit à Aubusson de grandes tapisseries pour présenter ses personnages, les faïenceries de Nevers en décorèrent leurs plats, on donna le nom de Céladon ( héros de « L'Astrée » qui portait un habit orné de rubans de couleur vert tendre ) à une couleur verte, à des jarretières qui firent fureur. On s'habillait en berger et bergère et on se faisait peindre en cet accoutrement. Des sociétés s'organisèrent pour vivre à la manière des bergers de l'Astrée, comme celle de Mademoiselle de Montpensier en son château de Saint-Fargeau. Mais le plus bel exemple est celui des "Parfaits Amants" : le 1er mars 1624, quarante-huit princes, seigneurs et nobles dames d'Allemagne adressèrent une supplique à Honoré d'Urfé. Fervents lecteurs de l'Astrée, ils lui déclaraient avoir créé une Académie des Parfaits Amants où ils s'efforçaient de vivre l'honnête amour de l'illustre pastorale et le suppliaient de leur donner la suite de l'Astrée. Quand la missive lui parvint, il était en guerre dans la Valteline, petite province du Piémont où il mènait les troupes savoyardes du duc Charles-Emmanuel Ier de Savoie contre les Espagnols. Il répondit, avec quelque ironie à ce qu'il appela la plus auguste Académie de l'Univers, qu'il donnerait suite à son roman " quand le bruit du canon cessera et que la douceur de la paix nous ostera l'espée de la main ". Ce fut son dernier écrit, car épuisé par cette campagne, où à la tête du régiment d'Urfé-Châteaumorand il s'est battu vaillamment en avant-garde, et atteint d'une pneumonie il rendit son dernier soupir le 1er juillet 1625 à Villefranche-sur-Mer où il s'était fait transporter. Sa dépouille fut transférée à Turin où de solennelles funérailles lui furent faites, puis en Forez, pour être ensevelie au bord du Lignon ...